Étrange rencontre

Messages : 11 Date d'inscription : 24/09/2013

Ce matin-là, Aesys ne sortit que tard avant de se rendre à son laboratoire. Elle avait en tête toutes les paperasses qu’elle allait devoir remplir ainsi que la prime à la recherche qu’elle allait empocher pour avoir mené à bien son projet dans les temps impartis. Ça allait faire une bonne base financière pour les recherches sur la prochaine commande. Elle se moquait bien de ce qu’elle allait devoir réaliser, elle savait déjà qu’une partie des fonds seraient destinés à son projet personnel. Cela l’arrangeait bien car il était assez dur d’obtenir de l’argent de son père qui était fâché, presque autant que sa mère, contre elle. Décidément le métier d’ingénieur est semé d’embuches. Le pas rapide et le sourire aux lèvres, Aesys marchait fièrement vers les locaux de Neo-indust dans l’une de ses tenues quotidiennes les plus belles.

Aujourd’hui, il ne s’agissait pas de travailler mais de procéder à quelques démarches administratives. Ceci n’empêcherait pas la demoiselle de bricoler pour autant : elle tenait dans sa main gauche une sorte de bras mécanique inachevé qu’elle avait ramené chez elle la veille pour y faire quelques réglages. Il fallait encore passer un peu de temps dessus après avoir gratté quelques papiers. Dans sa main droite, elle tenait à une trentaine de centimètres sous son nez un minuscule livret traitant d’architecture. C’était le grand défi, en finir à tout jamais avec ce ridicule titre d’architecte pour être débarrassée de l’étude des édifices en tous genres. Elle espérait d’ailleurs que son prochain contrat ne serait pas la réalisation d’un bâtiment.

En se mouvant de son pas élégant, la jeune femme ignorait les regards se posant sur elle : c’était quelque chose dont elle avait pris l’habitude. Après tout, il était difficile de ne pas la remarquer. Que ce soient ses habits, son maintien, sa beauté, sa couleur de cheveux atypique ou les mécanismes qu'elle portait à chaque traversée de la ville, tout portait à poser les yeux sur elle. Curiosité ou envie, chacun y trouvait son bonheur mais peu osaient y adresser la parole. Cela faisait d'ailleurs un peu plus de deux ans qu’elle avait cessé de donner des nouvelles à la communauté scientifique, certains d’entre eux en oublièrent les raisons et tentaient de communiquer avec la jeune ingénieure. L’une de ces personnes interpella Aesys.

— Mademoiselle Dilogarth ! Encore félicitation pour votre démonstration d’hier ! C’est incroyable de voir un tel mécanisme réalisé en seulement deux ans. dit-il en tendant la main vers la jeune femme.

L’ingénieure plongée dans sa lecture, mais de bonne humeur, s’arrêta dans sa marche pour répondre à son confrère. En réponse à la main tendue, elle crispa ses doigts sur les câbles du bras mécanique qu’elle tenait. Celui-ci prit à son tour la position d’une main droite s’apprêtant à serrer la poigne. Le scientifique, un peu prit de court, serra la main mécanique avec maladresse sans montrer sa gêne.

— Merci, dit-elle en détachant son regard de son manuel, je suis aussi très satisfaite à ce sujet. J’espère que nous nous verrons ce soir, je dois à nouveau présenter tout cela avant la réception.

— Vous… venez vraiment ? demanda l’homme en affichant un air intrigué frôlant le théâtral.

— Il faut croire… Sur ce, je dois y aller ! A ce soir, monsieur Freischt.

La jeune fille reprit son chemin après avoir replié son bras mécanique d’un geste sec, ses yeux se portèrent à nouveau sur son livre et le scientifique resta sans bouger. Il devait se demander ce qui pouvait bien pousser l’ingénieure à reprendre contact avec la communauté, ou il s’interrogeait simplement sur la nature du miracle qui fit qu’elle se souvint de son nom. Aesys continua sa route et fit un signe bref à l’un de ses fournisseurs en quittant la longue avenue de la courroie. Après quelques minutes de marche, la demoiselle entama la traverse d’une grande place commerciale qu’elle foulait chaque jour sur la direction du secteur consacré à la rechercher et au développement. Elle rangea son livre et s’engagea dans l’allée où tous les ferrailleurs, forgerons et vendeurs de babioles électroniques se plaçaient. C’était un petit rituel que de jeter un coup d’œil aux étals au cas où elle y trouverait l’inspiration, voire la perle rare.

Ah, Neonexios. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait plus posé les pieds dans cette ville si charmante. L'odeur âcre et vomitive de la fumée des forges et des ateliers lui avait manqué à la longue, il fallait bien l'avouer. Il renouait peu à peu avec le plaisir des balades dans les ruelles rendus sales et poussiéreuses par les débris d'expérimentations diverses et variées qui se produisaient chaque jours dans les divers laboratoires de cette ville. Et pourtant certains endroits respiraient encore le calme et le bonheur, l'intelligence et la vie. Et comme on pouvait aisément s'en douter, seuls les étudiants et les riches pouvaient se permettre de fouler sans problèmes ces lieux de sérénités. Heureusement pour Danner, son air déterminé, sa démarche vigoureuse, et l'épée bâtarde qui pendait dans son dos lui servaient de laisser-passer.

Soudain, quelque chose dans la rue attira son attention. Un étrange échange, une drôle de discussion entre deux personnes, probablement des savants à n'en pas douter. Leur air étrange, leur concentration sur leurs livres, et le bras robotisé dans la main de la jeune demoiselle confirmaient cette impression. N'ayant pas réellement grand chose à faire à part s'amuser gentiment, il se laissa le temps de regarder l'échange relativement cocasse qui se déroulait devant ses yeux.
Danner ne fut pas déçu. Adossé contre un mur à quelque distance, il dût se retenir de rire devant la répartie magnifique de la jeune femme et l'air légèrement paumé de l'autre savant. Quel magnifique usage du bras ! Quel beau refus de communication ! Il était enchanté devant ce refus net et franc de sympathiser avec l'autre. Apparemment, on pouvait toujours voir des choses rigolotes en se baladant dans les ruelles noircis de cette ville.

Rapidement, il reprit sa route. Il est toujours beau de voir des événements de ce genre, qui remontent un petit peu le moral morose de la journée. Reprenant la route vers son auberge, il se retrouva rapidement à errer dans les allées commerçantes. Tournant au hasard dans l'angle d'une rue, il remarqua du coin de l’œil un détail relativement intéressant. la jeune femme qu'il avait vu tout à l'heure, pointant nonchalamment son bras vers divers étals, semblant regarder avec attention les débris plus ou moins réussis qui s'amassaient devant les vendeurs, forgerons et inventeurs.

Apparemment, le destin avait décidé qu'ils devraient se croiser aujourd'hui. Autant voir s'il ne pouvait pas profiter encore un peu de la situation. peut-être que cette demoiselle et lui pourraient jouer une partie intéressante....
S'approchant tranquillement de l'étal que regardait la jeune femme, il embrassa du regard les pièces qui se côtoyaient devant lui, effleurant du bout des doigts certaines d'entre elles. Se retournant légèrement vers la jeune... ingénieuse ? Scientifique ? il prit la parole.

"Pardonnez-moi de vous importuner, mademoiselle, mais j'e n'ai pas pu m'empêcher d'être intéressé par ce bras que vous tenez dans votre main. Je ne savais pas que les ingénieurs de cette ville avaient déjà inventé un moyen magnifique de couper court aux interactions sociales indésirées."

Lui adressant un sourire en coin, il commença à l'observer, profitant de l'ombre de son capuchon sur son visage pour camoufler l'intensité de son regard. Il avait lancé le partie. Restait à savoir comment la nouvelle joueuse allait répondre à son premier mouvement.

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Aesys qui était occupée à fouiller dans un tas de ce qu’on pourrait appeler les précurseurs du servomoteur, se retrouvait interrompue dans sa recherche par un homme sorti de nulle part. Etais-ce encore un de ces enquiquineurs qui allait lui demander de faire connaissance ? C’était la première chose qui traversa l’esprit de l’ingénieure, elle eut même le temps d’imaginer la façon dont elle allait s’en débarrasser. Cependant, son fil de pensée fut interrompu lorsque l’inconnu lui parla de son bras mécanique et de la manière dont on pouvait s’en servir. Elle se redressa et se tourna vers l’homme. Elle porta sa main droite jusqu’à son visage sur lequel se dessina un sourire mesquin, le coude du même bras vint se poser sur le dos de la main qui tenait le membre mécanique contre son corps. Son index glissa contre sa mâchoire tandis que son pouce reposait contre son menton. Elle soupira dans l’ironie de la situation tout en regardant l’homme légèrement en biais. On pouvait sentir les manières de la jeune femme comme si elles étaient des mots. En prenant son inspiration, elle pointa l’homme de son index une fois qu’il eut fini sa glissade, presque sans quitter son visage, et referma son poing sous son menton avant de prendre la parole.

— Vous tendez le bâton pour vous faire battre, très cher. Vous n’imaginez sûrement pas à quel point l’envie de m’en servir ici, tout de suite, est tentante. Si vous m’avez vu utiliser ce bras, c’est que cela fait un moment que vous me suivez, non ? Ou est-ce une coïncidence ? Vous désirez peut-être quelque chose ? Si c’est le cas, demandez toujours. Peut-être que vous aurez de la chance...

Aesys était en réalité amusée par la vision qu’avait l’homme de sa conversation passée. Son ton était plus mesquin et moins perçant qu’à son habitude, mais son regard lui était toujours très particulier. Elle semblait regarder l’étranger comme une curiosité qui nous intrigue mais qui nous dégoûte à la fois. Après un très bref haussement de sourcil, Aesys sembla revenir à sa réalité et se tourna vers le marchand qui était occupé à faire glisser une caisse sur son étal. Elle s’était donné le temps de continuer à réfléchir à son petit projet de la journée tout en répondant à l’homme. En portant sa main gauche à sa hanche et en pointant du doigt une caisse remplie de babioles en reculant son buste, elle s’adressa au vendeur en ignorant son précèdent interlocuteur.

— Je pense que finalement trois AC-22V et six APZ-12 feront l’affaire, je récupère ça demain. D’accord ?

— Bien sûr ! A demain, donc ! dit amicalement le marchand.

— C’est cela. répondit naturellement Aesys.

En se tournant, elle fit un bref signe à l’aide de ses yeux à l’homme, comme pour lui dire qu’elle ne l’avait pas oublié et qu’elle attendait sa réponse. Sans plus patienter, elle reprit sa route vers son laboratoire. S’il voulait communiquer, il allait falloir marcher.

La réaction escomptée par Danner ne se fit pas attendre. La jeune demoiselle prit à peine le temps d'une pose tout à fait dramatique pour lui répondre. Ces manières étaient impeccables, millimétrées à la perfection pour lui transmettre sans même besoin de mot le dégoût et l’inintérêt total et absolu qu'il lui inspirait. S'il n'avait pas été pas obligé de contrôler son comportement public, Danner aurait applaudis à tout rompre la merveilleuse performance d'acteur qui lui était livré ainsi gratuitement. Le hasard avait magnifiquement fait les choses apparemment. Elle était douée, encore plus douée qu'il n'aurait pu le croire au premier abord. Il se redressa légèrement, laissant apparaître un sourire amusé sous l'ombre formée par son capuchon. Répondre maintenant aurait été abusif, ils le savaient tout deux. Elle l'avait placé en position d'attente, remettant la suite de la partie au moment où elle aurait fini ses emplettes. Elle entrait dans le jeu, à ce qu'il semblait....

Il la regarda faire ses courses durant les quelques secondes que prit l'exécution de la commande. Cela lui rappela de lointains souvenirs, égarés dans les brumes de son esprit. Ah, qu'avait pu être belle toute cette technologie. Qu'elle avait pu être drôle aussi.... Il y avait vraiment de belles possibilités en ces choses, pour peu que l'envie de s'en amuser puisse dépasser la stupidité bornée que prônait certains humains....
Tout à ses digressions intérieurs, il faillit ne pas remarquer le déplacement de la jeune femme, qui s'éloignait peu à peu du marchand. Peut-être avait-il rêvé, mais elle semblait lui avoir fait comme un signe. La partie reprenait donc. Il commença à marcher, le dos droit et fier alors qu'il la rattrapait peu à peu. Se calant à son rythme de marche, légèrement en retrait, il écarta d'un geste négligent la cape qui battait contre son flanc droit;

- Le hasard fait bien les choses... Je vous ai vus discuter avec ce savant précédemment, et le fait de vous recroiser m'a semblé une sorte de signe, si vous voulez. On ne croise pas souvent d'objets aussi intéressant que celui que vous transportez deux fois d'affilé dans la même journée, même dans une ville comme celle-ci. Et quand aux demandes... j'ai l'habitude d'avoir de la chance il est vrai.

Danner releva son capuchon, accompagnant son regard à la demoiselle d'un petit sourire narquois.

- J'ai été plutôt amusé par le premier usage de ce bras, et me demandais en toute curiosité honnête s'il pouvait en avoir d'autres, et ce qu'une personne assez douée pour créer des d'objets si utiles pouvait concevoir d'autre. Même si je ne suis pas franchement un "Universitaire", je m'intéresse aux choses de ce genre. Et vus que vous ne sembliez pas vouloir réitérer sur moi le même acte que précédemment, bien que vous en ayez eu envie, j'ai pensé que discuter serait une alternative raisonnable.

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Il était donc question de discuter, seulement ? Quelqu’un qui croit à certaines formes de signes perd déjà un certain intérêt. Mais ce n’était pas bien grave, il semblait s’intéresser aux travaux de l’ingénieure et cela tombait bien. Aesys allait bientôt avoir besoin de quelqu’un pour tester un prototype : effectuer une automatisation du système de distribution d’énergie demanderait l’emploi de plusieurs moteurs trop encombrants ou la création d’un nouveau projet complexe. La jeune femme devait tester les fonctions purement mécaniques de son jouet inachevé : cet individu tombait bien. Il était peut-être un peu tôt, mais ça éviterait d’avoir à chercher un autre farfelu par la suite. Il s’agissait donc de ne pas trop le malmener, histoire de le garder sous la main.

Après une petite minute sans répondre, Aesys ralentit son rythme de marche avant de s’arrêter, elle venait de finir son raisonnement et devait vérifier quelque chose. Elle se retourna et inspecta l’homme du regard de haut en bas, puis de bas en haut. Dans le même temps, ses bras se croisèrent et inclina son corps vers l’arrière comme pour prendre du recul. Ses yeux, qui semblaient analyser l’homme du mieux qu’ils le pouvaient, s’attardèrent sur le bras gauche du sujet. Dans un soupir de réflexion, la jeune femme sortit un carnet et y jeta un très bref coup d’œil. Elle semblait savoir exactement à quelle page se référer. Après un léger hochement de tête, d’un air de dire que tout cela pourrait faire l’affaire, Aesys rangea son carnet et croisa à nouveau ses bras pour pianoter gracieusement sur son bras gauche : elle semblait encore en pleine réflexion. Elle serra les lèvres, comme si elle hésitait à prononcer ce qu’elle allait dire car tout cela n’était pas une très bonne idée. Jusqu’à ce qu’un mot s’échappe d’entre celles-ci.

— Moui…

La jeune femme se redressa et tint son bras mécanique des deux mains, elle fit mine de le soupeser en le lançant dans une suite de petits gestes comme initiant le jeter de l’objet. Machinalement, elle tira sur l’un des câbles du membre mécanique, ses doigts se refermèrent les uns derrière les autres avant de se rouvrir dans le même ordre, à la manière d’une vaguelette. Une fois le geste terminé, le mécanisme ponctua son mouvement par un grand crac sonore. Cela devait être normal : Aesys ne broncha pas et se décida à répondre.

— Discuter, hein ? Voyez-vous, j’ai tendance à n’aimer discuter que lorsque je peux apprendre quelque chose. Qui plus est, les blablas incessants des scientifiques étalant leurs sciences souvent inexactes m’insupportent. Cela me ferait de la peine si je devenais comme eux. Il y a mieux à faire que de s’écouter parler, n’est-ce pas ? Enfin, quoiqu’il en soit, je n’apprécie guère de m'exprimer au sujet de mes projets.

Aesys parlait en sortant une sorte de lunette d’une poche qui se trouvait à sa ceinture, il y avait plusieurs lentilles capable de se mouvoir l’une par rapport à l’autre. D’un geste du pouce et toujours en train de parler, l’ingénieure appuya sur plusieurs petits leviers qui firent sortir certaines lentilles du faisceau principal pour en faire rentrer d’autres. Quand elle finit la première partie de ce qu’elle avait à dire, elle était en train d’ausculter son bras mécanique qu’elle avait remonté jusqu’à son visage. A travers les verres, elle repéra ce qui avait produit le claquement survenu plus tôt. D’un geste rapide, elle rangea ses loupes et sortit de sous sa manche une tige en fer qui semblait être là pour l’occasion. Elle l’enfonça dans le mécanisme du bras presque sans le regarder et remonta ses yeux jusqu’à ceux de son interlocuteur avant de reprendre là où elle s’était arrêtée.

— Cependant, j’ai peut-être un peu de temps à vous accorder. Pour ne rien vous cacher, si vous vous intéressez vraiment à mes petites expériences, je peux vous inclure dedans. J’aurais besoin de quelqu’un pour vérifier une étape de mes recherches. Je comptais en parler à de bonnes oreilles ce soir même, mais puisque vous êtes là… Je peux remettre ce que j’avais à faire à un peu plus tard dans la journée. Qu’en dites-vous ?

L’ingénieure finit ses mots en penchant la tête vers le bras qu’elle manipulait et réglait à l’aveugle tout en causant. D’un geste fort et brusque, elle enfonça la tige et l’inclina d’une quinzaine de degrés. Le bras, qui était en fait déjà à moitié robotisé, fut pris de quelques spasmes avant de prendre l’ironique position d’un pouce levé, comme si tout allait bien. Aesys, amusée, ne put s’empêcher d’esquisser un sourire dans une expiration exprimant presque un rire. Elle releva la tête, l’air satisfaite, et haussa les sourcils en attendant une réponse.

Gagné. Il avait ferré son poisson, et même si celui-ci refusait de sautiller gentiment sur la berge, au moins avait-il été attrapé. La partie avançait bien. Au moins était-il sûr d'avoir son petit amusement de la soirée, d'une façon ou d'une autre. En tout cas, ce que proposait l'ingénieure était...intéressant. Être inclus dans ses expériences ? Il était sûr d'être aux premières loges dans ce cas là, s'il survivait à l'application rigoureuse de la méthode scientifique par la jeune demoiselle, ce qui n'était pas une certitude absolue. Qu'importe. Malgré son air méprisant et hautain, il croyait avoir remarqué comme une espèce de soulagement dans la voix de son interlocutrice à l'idée de ne pas avoir à tenir une soirée entière de discutions mortellement ennuyeuses et incroyablement dénué de la moindre once d'intérêt. Pour une scientifique, elle avait une bien basse idée de ses semblables. Cela pourrait être un point à exploiter plus tard.

Après avoir enduré sans broncher l'interrogatoire visuel de la jeune femme, il redressa la tête, un sourire énigmatique sur le visage. Sortant une petite pièce de monnaie de sa poche, il se mit à jouer nonchalamment avec, la propulsant dans les airs en vrilles complexes. Faisant semblant de réfléchir à l'offre de la jeune femme pendant qu'elle faisait les derniers réglages de son bras mécanique. Elle aimait réellement poser des délais dans la conversation, occupée qu'elle était à régler de son propre petit monde avant ceux du monde extérieur. Parfait. Le jeu n'en devenait que plus intéressant quand les adversaires se laissent le temps de réfléchir à leur prochaine action. Voyant que le temps était venu, Danner arrêta sa pièce, reprenant la parole.

- Je serais honoré d'être inclus dans vos expériences comme vous dîtes, et de pouvoir vous épargner une soirée déprimante en compagnie de doctes imbéciles. J'ai eu l'occasion de me confronter à la rigueur scientifique dans le passé, et sais donc à peu près comment me tenir en tant que sujet. Tant que vous en tentez pas de déchiqueter mon bras pour le remplacer par ce que vous tenez dans les mains, ça devrais aller.

Il ponctua ses paroles d'un petit sourire entendu. Pour être totalement dramatique, il aurait dû passer sa main sur la poignée de son épée afin d'accentuer la portée menaçante de ses paroles, mais de tels artifices était inutiles en ces circonstances. Tout bas, presque pour lui même, il prononça juste quelques mots supplémentaires. Elles étaient dîtes avec maîtrise, à la limite de l'audible mais suffisamment fort cependant pour qu'une personne attentive puisse l'entendre.

- Quoique, ça pourrait être intéressant....

Se retournant vers la rue qui commençait à se vider petit à petit, perdant son regard dans l'horizon métallique de la capitale Sidérienne, il se redressa de toute sa stature. D'un petit pas en avant, il se posa au niveau de l'ingénieure. D'un geste rapide, il s'inclina devant elle, d'une révérence presque parodique compte tenu du déséquilibrage imposé par l'épée qui pendait dans son dos. Quand il se redressa, il regarda la jeune femme dans les yeux. La prochaine réaction, ou plutôt série de réaction qu'elle allait avoir serait cruciales. Il ne lui restait qu'à démarrer la deuxième phase de la partie, bougeant un nouveau pion sur le petit échiquier qu'ils avaient installés.

- J'imagine que c'est à ce moment que vous êtes sensé m'amener dans le quelque part supposé où se trouvent vos expériences, afin que vous puissiez me les montrer et faire en sorte que vos recherches avancent, d'une manière où d'une autre, faux ?

Et il se tint la, devant elle, prêt à reprendre prestement la route.

Messages : 11 Date d'inscription : 24/09/2013

Aesys n’apprécia pas trop la façon dont l’homme expliqua la façon dont il lui évitait de passer une soirée ennuyante : tout cela était faux, elle devrait quand même y aller. Elle avait après tout besoin de présenter à nouveau son projet, c’était la tradition ; même si beaucoup d’entre ses confrères avaient pariés qu’elle ne viendrait pas. La jeune femme décida qu’il ne valait mieux pas contredire son futur sujet et acquiesça naturellement.

Le futur assistant d’un jour avait l’air motivé et posait ses limites. Il était évident qu’Aesys n’imaginait pas une seule seconde placer son bras mécanique à la place de celui d’un être humain. De plus, son jouet fraîchement réglé manquait cruellement d’options de contrôle et de puissance. Elle pensa que ce personnage était un peu étrange. Cette impression fut renforcée lorsqu’elle l’entendit dire que l’expérience pourrait être tout de même intéressante. Elle aurait juré entendre ces mots et avoir vu les lèvres de l’homme bouger, mais elle n’arrivait pas à se dire que quelqu’un pouvait dire ça sérieusement. Elle en conclut donc que cet inconnu avait un sens de l’humour assez particulier.

Vint le moment où celui-ci supposa qu’il fallait bien un endroit pour procéder aux expériences. Devant tant de pertinence, Aesys ne sut s’empêcher de prendre un léger ton ironique.

— Vrai. Je savais que vous aviez vous aussi un esprit très perspicace.

Sans dire un mot de plus, l’ingénieure reprit sa route en direction du laboratoire. Pendant sa promenade, elle se posait des questions qui ne lui étaient jamais venues à l’esprit auparavant. Est-ce possible que ce soit un espion ? Pourrait-il lui faire du mal ? Il avait une épée bien visible, après tout… Aesys ne trouva personne à qui rattacher cet homme : personne n’en avait réellement contre elle ou ses projets. Après quelques minutes de marche, ils arrivèrent enfin aux locaux de Neo-indust. Il ne s’agissait pas du secteur industriel, pas en pleine ville : ce serait criminel. Cependant, ça n’empêchait pas certaines fumées de s’échapper des diverses cheminées. De nombreux sons métalliques accompagnaient le spectacle de l’organisation des lieux. Aesys, sans prêter attention à tout cela, se dirigea vers un bâtiment isolé des autres. Une petite porte se trouvait à droite d’une autre entrée beaucoup plus grande. La jeune femme sortit une clef aux motifs complexes et l’enfonça dans la serrure avant de tourner. Elle poussa la porte métallique du bout des doigts en récupérant son passe.

— Entrons.

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