A la frontière, direction Andreios (fini)

Je fixe mon regard sur Nastel. Elle ose parler de la tribu?

-Les livres d'histoire......écrit par des sois-disant érudits.......ils n'y connaissent rien!

Je m'approche de la druide avec la vivacité d'une vipère, plantant mes longs ongles dans la terre devant le rocher sur lequel elle est assise et reprends d'une voix forte:

-Oui...je vois parfaitement.....la tribu..de.."bons sauvages"....et oui, je les ai lu! Moi! La "bonne sauvage"! Je connais la lecture des bons blancs civilisés!

Je baisse les yeux sur le sol et soupire. Ma colère est sortie. Elle a disparu. Du moins en apparence.

-Ces gens, ils nous disent ignorants, dis-je en approchant ma bouche de son oreille, mais qui sont les plus ignorants? Ceux qui pensent différemment, ou ceux qui se permettent considérer comme ignorants ceux qui pensent différemment?

Je retire lentement mon corps de celui de Nastel, le souffle court. Et retourne à ma place en restant accroupie.

Son aura s'enflamme tout à coup, comme un lune s'embrasant. Je ne sais pas pourquoi elle nourrit une telle animosité envers les livres. En tout cas, je découvre que Ddv est une femme bien lunatique, à la voix sensuelle et grave lorsque la colère l'anime. Je ne comprends pas pourquoi elle discrédite sa tribu par contre: certes, certains bouquins peuvent être biaisés, mais la curiosité qui anime le lecteur quant à la découverte de nouveaux peuples peut être vraie.

Je réponds donc à sa colère lunatique envers les auteurs de livres pas un sourire bon vivant:

-En tout cas, je suis très curieuse d'en apprendre davantage.

Nous décidons d'allonger la pause déjeuner pour discuter un peu, notamment, je lui demande s'il est possible que je passe à sa tribu (après tout, ils auront peut être les information que je rechercher concernant les herbes que je dois ramener à mon pays); si je pourrai marchander avec eux éventuellement ou partager du savoir.
De toute façon, je dois traverser les plaines... et il y a du chemin.

Nous continuons notre conversation en reprenant la route.

J'ai du mal à comprendre l'intérêt que porte cette jeune druide à la tribu. Je hausse les épaules, après tout peut-être veut-elle sincèrement échanger avec une nouvelle culture. Je pense que la mener jusqu'aux miens ne poserait aucun soucis. Au sein de la tribu, ma colère est crainte et mon jugement précieux. C'est pourquoi personne ne contesterait ma décision. Je constate avec délice qu'encore une fois le choix m'appartient. J'aime ça. Enfin, dans certaines circonstances...

Je peux donc choisir de la guider à la tribu, ou bien de la laisser en plan. En temps normal je lui aurais ri au visage et me serait retirée le cœur léger, encore toute vibrante du sentiment de toute puissance qu’entraîne le pouvoir d'un choix, mais......

Il y a Céleste.

Le lien qui unit ce chien à Nastel est incroyable, il semble discret, mais brille de mille feux pour qui sait voir.

Et j'ai une très bonne vue.

Je me redresse et regarde Nastel de haut, lui indiquant ma supériorité temporaire, moi qui jouis du pouvoir de la décision.

-Si tu veux venir à la tribu, découvrir mon monde.....tu vas me suivre.

Puis, embrassant du regard cet étrange couple aux potentiels fascinant:

-VOUS allez me suivre. Tous les deux!

Sans attendre de réponse je me mets en route. Nastel est sur mes talons.

Et Céleste aussi.

Son ton autoritaire m'intimide un peu; je me demande si elle a un rôle important dans sa tribu. Céleste campe sur ses positions, il trouve que c'est une bien étrange volaille humaine. Je joue un peu avec mon frère sur le chemin, avec un gros bâton qu'il a trouvé je ne sais où.

En fin d'après midi, je ralentis le pas, fatiguée de porter tous les sacs sur mon dos. Céleste le remarque et me mordille le bras disant qu'il avait encore plein d'énergie. Je demande alors une petite pause à Ddv; accroche la sangle autour du ventre de Céleste et y installe de chaque côté une sacoche, ne gardant que mon petit sac à dos.
Céleste ne s'éloigne pas trop et m'avoue découvrir pas mal d'odeurs. Il trouve même des taupes des plaines, que je n'avais vu que dans mes bouquins. Leurs galeries se marquent par un flux terrestre assez particulier que je mets un temps à analyser.

Nous marchons encore quelques heures. Je fais disparaitre l'aura de Céleste et la mienne lorsque nous apercevons au loin un groupe de marchands en caravane; puis quelques paysans.

Céleste court souvent devant. Une preuve que sa liberté n'est pas feinte et qu'il ne revient que par choix personnel. Alors que nous marchons, Nastel m'apprend qu'il a repéré ce qui s'apparenterait selon elle à des taupes. Je lui explique que ce sont certainement des taupes des plaines. Elles diffèrent des autres taupes par leur couleur, qui au lieu d'être brune est bleutée, et aussi par d'autres aspects moins....perceptifs...
Nastel s'intéresse beaucoup à la faune et à la flore des plaines, ce qui me ravit puisqu'il s'agit-là d'un terrain dans lequel je me sens plus qu'à l'aise.
Elle m'a cherché elle va me trouver!

Je lui parle donc pendant plusieurs heures des grands chevaux sauvages des plaines, des roseaux couleurs de jade des bords de la rivière, dans laquelle les miens pêchent des coquillages à la chair délicieuse et dont la nacre sert à fabriquer des bijoux, des arbres, des herbes, des fleurs, des insectes et des oiseaux. Je lui parle du grand aigle albinos qui plane au dessus de la tribu les jours de grand malheur, et des renards aux poils dorés qui se disputent la viande avec les loups aux yeux d'émeraude. Ces loups qui la nuit venue chantent en cœur leur amour à la lune. Je lui explique que j'ai passé des nuits entières à écouter leur chant, avant d'en comprendre la signification, partielle. Je lui parle ensuite des chats sauvages, dont on récupère les crocs une fois que la mort est venue à eux.

-Jamais l'un des miens ne tuera un chat des plaines, sauf s'il s'en prend à lui. Mais cela n'arrive pas, les grands chats ne s'attaquent pas à l'Homme, et l'Homme ne les attaque donc pas. Chez vous, je me rappelle que vous les appeliez des pumas.

Je lui montre un de mes colliers orné d'une dent de grand chat, et lui explique que cela apporte courage et noblesse.

-La faune et la flore des plaines est fascinante........fascinante....

Je la distance et me plante devant elle, et la regarde intensément:

-Mais elle est aussi fière, sauvage, libre, indomptable, et pure.

Je reprends ma route mais constate que Céleste a relevé la tête vers l'horizon. Je suis son regard et mets ma main en visière.

Des caravanes.

-Viens avec moi, dis-je en entraînant mes compagnons derrière une colline, à l'abri des regards indiscrets.

Je note ses informations dans un coin de ma tête, je tiens à tout noter ce soir, avant de me coucher. C'est toujours très intéressant de savoir quels seront mes potentiels informateurs. L'avantage avec les animaux, c'est que leurs demandes en échange d'information sont faciles à satisfaire (si ce n'est pas simplement de ne pas les manger).

Je laisse DdV nous entrainer à l'écart, même si pour ma part et celle de Céleste, ce n'est pas vraiment nécessaire, vu que je masque notre aura. En gros, les gens nous voient, mais ne s'attardent pas sur nous, même si Céleste est de carrure importante. A force de me balader en ville avec lui, je suis devenue pro en la matière... mais ce sont des informations que je ne peux pas me permettre de dévoiler dans d'autres pays que le mien.

La terre envoie de micro vibrations au passage des caravanes, on peut le sentir en se concentrant lorsque l'herbe ne recouvre pas la terre... donc pas souvent en définitive. Mais Céleste lui, doit le sentir bien mieux, que ça soit avec ses coussinets robustes ou son odorat.

Nous contournons donc les marchands en passant derrière une colline. Dès que l'aube approche, les Hommes ne prennent que rarement les chemins à cause de la sortie de tous les animaux. Je ne sais pas si on va en croiser ce soir, mais j'espère que les autres jours seront plus favorables.

Alors que nous nous arrêtons loin du sentier, à l'abri d'un arbre solitaire, je débarrasse mon frère de ses sangles en cuirs et consomme quelques provisions. Les soirées sont assez humides je trouve, et mon corps habitué au sec du désert ou des hautes montagnes n'apprécie guère. Comme je suis en mission, je ne propose pas de faire un feu pour manger, voir ou nous réchauffer. Céleste griffe la terre pour se détendre puis demande un câlin en passant son museau sous mon bras. Je me lève et lui gratouille vigoureusement le ventre alors qu'il se couche sur le côté.
Ce moment câlin ne dure pas longtemps, car mon frère trouve notre compagnon des plus étrange. Je ne l'ai pas vu approcher DdV à moins d'un ou deux mètres. Je ne peux pas lui en vouloir, l'aura que dégage cette femme est comme une flamme multicolore qui danse et s'illumine aléatoirement.
Lorsque la nuit tombe, on ne voit plus rien car les nuages couvrent le ciel, sans pour autant qu'il ne pleuve. Ce temps maussade me déplait beaucoup... j'espère qu'il fera plus beau demain.

J'ai remarqué que DdV a tendance à parler toute seule par moment, ou que son regard se perd de temps en temps dans le paysage ou le ciel sans fin.
Il fait nuit maintenant... et je n'ai pas fini décrire les découvertes de la journée. Je rejoins à quatre pates un de mes sacs et cherche mes deux pierres lumineuses. Je préviens DdV de ce que je cherche pour ne pas qu'elle s'inquiète et lui dit que ça se trouve facilement sur le marché, par chez moi (bon... disons... pas facilement... mais bon, il ne faut pas que je paraisse trop appuyée par des gens, derrière ma mission; mais je n'aime pas mentir, alors disons plutôt que je détourne la vérité).
Je frotte deux pierres l'une contre l'autre et elles s'illuminent un peu; posées sur le sol, je m'en rapproche pour pouvoir continuer d'écrire.

Nous discutons un peu des pierres puis je me lève et propose d'aller tracer quelques cercles de sortilège aux alentours pour que cela nous réveille en cas de pépin. Mais je lui avoue que je compte bien plus sur Céleste que sur mes sortilèges (ce qui n'est pas tout à fait vrai mais bon...).
Ensuite, je range mes affaires. Nos yeux peu à peu s'habituent au noir de la nuit, Céleste se couche contre l'arbre, à côté des sacoches; puis je viens me lover contre son ventre, mettant sur moi mon long manteau de cuir pour combattre l'humidité. Je conseille ensuite à DdV de ne pas approcher Céleste pendant que je dors puis lui souhaite bonne nuit.
Comme souvent, malgré la compagnie nouvelle, je m'endors comme une masse alors que Céleste ne dort que d'une oreille.

Une petite chouette vient se poser sur une branche de l'arbre solitaire, sans bouger, Céleste l'observe; cela l'occupe un peu. Vers 4h du matin, Céleste se permet un vrai sommeil de quelques heures, voyant que DdV n'a pas été hostile durant toute la première partie de la nuit... malgré quelques gesticulations étranges. Il n'y a pas à dire, il est persuader qu'une volaille vient l'habiter la nuit (surement à cause de son manteau de longues plumes blanches).

Je trouve les pierres-qui-brillent-toutes-seules de Nastel très étranges. Je n'en ai jamais vu de semblables. Elle m'affirme qu'elle en trouve facilement chez elle mais j'ai du mal à la croire.
Cependant tout individu a droit à son jardin secret non?

Pas vrai Brise?

Je souris, il est tard, mais cela fait longtemps que je n'ai pas parlé à Brise.

Je m'installe donc sur le sol et plonge mes doigts dans l'herbe. Puis, le visage tourné vers le ciel, je murmure à la nuit:

Oh Brise il y a longtemps que je ne t'ai pas raconté ma journée....pardonne moi....

Un sentiment de culpabilité me serre le cœur, pauvre Brise. Une larme coule sur ma joue. Brise ne répond jamais, mais je sais qu'il est là, et qu'il est heureux.

Quelle différence existe-t-il entre ici et maintenant et là-bas et le maintenant suspendu de là-bas? La vie m'a appris que ce qui semble réel ne l'est pas forcément et vice-versa. Je commence donc à narrer mon aventure de cette semaine, le voyage jusqu'à la frontière, la découverte de la fiole, la prophétie...

Et toi qu'en penses-tu?

Comme d'habitude Brise ne me répond pas, mais je ressens une certitude au fond de mon cœur, il est d'accord avec ma décision. Satisfaite, je continue.

La nuit est bien avancée maintenant, et Nastel s'est endormie. Je la désigne du menton à Brise.

....me voilà donc à voyager avec ces deux-là...

Soudain, je m'immobilise. Le chien....Céleste me regarde. Je n'ose plus parler. Sans le quitter des yeux, je m'allonge sur ma couche et ferme les yeux. Il me faut dormir.

Je n'y parviens pas.

Brise est dans mes pensées.

Il l'a toujours été.

Et le sera toujours.

A peine avant l'aurore, Céleste me mordille le chapeau pour me réveiller. Je grogne faiblement puis me lève, la tête dans le brouillard. Il m'assure que DdV a parlé cette nuit. Je lui demande si c'était à lui, il me dit qu'il ne sait pas... et qu'il n'a pas compris.

Je mange et donne à manger à Céleste puis accroche les sangles car il veut porter les affaires ce matin car il dit que j'ai petite mine.
C'est l'air humide d'ici que je ne supporte pas; pour éviter de tomber malade, je décide de voyager avec mon manteau long. Nous attendons les premiers rayons du soleil pour réveiller Danseuse du Vent, comme nous l'avions convenu hier soir. Ayant peur de quelconque mauvaise habitude contre les réveils brusques, je l'appelle doucement, à bonne distance. (car pour ma part, la première chose que je fais si ce n'est pas Céleste qui me réveille, c'est planter ma dague rétractible sous la gorge de la personne qui me réveille... alors bon...)

J'attends qu'elle se réveille pour lui demander:

-Est ce à Céleste que vous parliez cette nuit? Je suis désolée, mais il n'a pas compris ce que vous racontiez.

Je foudroies Nastel du regard. Pour qui se prend-elle? Elle m'écoute maintenant?! Je m'apprête à répliquer avec violence lorsque je réalise que ce n'est pas elle qui m'a écouté mais Céleste. C'est pour ça qu'il me regardait si bizarrement hier...

Je me lève d'un bond et range mes affaires sans répondre. Brise.....je ne parle pas de Brise....jamais....c'est trop....dur.

Nastel respecte mon silence et me suit à travers les plaines. Durant tout le trajet elle semble gênée par mon refus de lui parler de Brise, mais cependant elle ne se montre pas curieuse. Nous poursuivons en silence jusqu'à ce que nous apercevions un groupe de jeunes gens sur notre route. Ils semblent à première vue bêtes comme leurs pieds (qu'ils ont surement crasseux d'ailleurs) mais nous interpellent.

-Hé mesdemoiselles! Venez par là!

Je redresse la tête bien haut et passe mon chemin, mais ils nous rattrapent et tentent de nous questionner.

J'ai l'impression que je n'aurais pas dû demander. Sur le chemin, je questionne discrètement Céleste pour savoir si DdV ne parlait pas à un espion ou autre. Il répond par la négative, affirmant que c'était un ton aimant. Soit... je ne vais donc pas m'étendre sur le sujet.

Il est encore assez tôt lorsque nous croisons un groupe de jeunes hommes. Ils devaient eux aussi bivouaquer car ils marchent également à l'écart du chemin. J'en déduis qu'ils n'ont pas encore pris le temps pour rattraper le chemin principal.
J'ai pris soin de faire disparaitre immédiatement nos auras dès que je les ai aperçus se diriger vers nous. Seulement, seuls au milieu des plaines, ils nous avez déjà repérés.

-"Hé mesdemoiselles! Venez par là!"

Danseuse du Vent les toise et passe son chemin; je baisse les yeux au sol et la suit sans dire mot. Céleste sait qu'il doit se faire discret et se fait le plus petit possible derrière moi, loin de se groupe de jeunes bêta. Ils sont 6 et 4 d'entre eux nous rattrape pour nous questionner; du style: "que faites vous ici si tôt? où allez vous? Vous voulez pas faire un bout de chemin avec nous?... etc"

Je réponds amicalement que nous traversons les plaines et que nous ne souhaitons pas de compagnie. L'un est content que je réponde, un autre n'aime pas la réponse négative à la compagnie.
Je remarque qu'ils n'ont toujours pas fait attention à Céleste, j'en déduis que ce ne sont ni des guerriers, ni des mages, ce qui me rassure beaucoup.

Seulement... l'un saisit (pas vraiment violemment) mon bras pour que je redresse la tête. Sa phrase d'ignare m'étonne au plus au point:

-"Dis, tu serais pas une petite démone toi?"

-"Vous n'avez vraiment pas l'air d'ici", renchérit un autre.

Je redresse la tête, étonnée. Ici aussi les humains sont parano des démons? L'homme qui m'a saisit le bras fait alors glisser ma capuche pour voir surement mes oreilles (mais au final, elles se montrent aussi rondes que celles des humains). J'éloigne alors son bras en faisant claquer le mien contre son avant bras. Même si c'est pour vérifier, pas touche! Je n'ai rien dit, mais mon regard est devenu plus hostile.
Céleste ne peut plus se retenir et gronde férocement. L'un des 4 gars, plus en retrait remarque alors Céleste et ses yeux deviennent aussi ronds que des grosses billes. A moitié tétanisé par la peur, il balbutie quelque chose, mais ses amis ne l'entendent pas. Puis, il déglutit et recommence:

-"Le... le, le chien!"

Les regards se tournent vers mon frère, j'explique alors calmement tandis qu'ils font un pas en arrière (même celui qui embêtait Danseuse du Vent jusqu'à lors):

-C'est mon chien de garde. Et si vous nous embêtez encore, il vous mangera.

Je me concentre du mieux que je peux pour faire disparaitre l'aura de Céleste, qui le sent; je ne voudrais pas que ça les marque trop et qu'ils reviennent avec des chasseurs pour poursuivre mon frère. Cependant, l'effet d'intimidation marche plutôt bien et les voilà à reculer sans demander leur restes. L'un s'excuse même auprès de DdV pour l'avoir touché ou quelque chose du style.
Nous marchons alors rapidement en sens opposé pour nous éloigner de ce groupe. Céleste gronde et demande, comme à son habitude s'il peut aller les manger, et comme d'habitude, je réponds en langage humain (il comprend cette phrase... à force):

-Non, tu ne peux pas les manger.

Mais le ton sur lequel je le dis est moins convainquant que d'habitude. Masquer à ce point l'aura de Céleste est très fatiguant. Par conséquent, j'ai un coup de barre. Alors que l'on vient à peine de manger, je grignote de la viande séchée. Céleste me propose de monter sur lui ce matin, je lui fais un bisou et accepte volontiers. Céleste marche alors à un mètre seulement de DdV et fait un petit bruit de chien. Je traduis:

-Il demande si vous allez bien.

Je souris, si Céleste se met à se préoccuper de notre camarade de voyage, c'est que je peux me permettre de lui faire confiance.

L'homme (ou plutôt le gamin) qui me fait face ne doit pas avoir 25 ans. Grand, bien battu, mais avec cet air de villageois idiot mais pas très courageux, lourd mais pas dangereux. Je vois que Nastel s'est faite accostée par deux autres lourdaux, mais je n'ai pas le temps de m'intéresser à ce qu'ils comptent lui faire ou lui dire que celui qui se trouve en face de moi me lance:

-"Dis donc m'dame, vous v'nez d'où?"

Il se rapproche en écartant les mains, l'air de dire "je ne te veux pas de mal". Son regard se baisse sur ma poitrine. Je connais ce regard, c'est celui d'un homme en manque...

-"En tout cas nous ici les jolies dames on les traite bien..."

Devant mon regard menaçant, le garçon s'immobilise. Puis, on visage se décompose.

-"Que...?"

-A ta place je n'en ferai rien petit! dis-je en pointant une petite dague violette devant moi. Le gamin l'a très bien reconnu, tous ceux qui fréquentent les plaines la connaissent:

une dague de Cyanic.

Le nom que l'on donne à une dague dont la lame n'est autre qu'un dard de Cyanic, un énorme frelon violet qui vit dans les plaines. Mortel.

Une égratignure.... et vous êtes condamné.

Une mort propre, simple, efficace.

Une mort comme je les aime.

-Tu as compris? Rend service au sol que tu souilles et disparait de mes plaines!

Il semble encore hésiter, mais au même moment, un mouvement de panique frappe les opposants de Nastel.

-"Le....le chien!!!!!"

Mon agresseur tourne la tête dans la direction de Céleste et blémit. Il se retourne alors vers moi et bafouille:

-"Je....désolé....je ne voulais pas vous...toucher...je...."

Je lui crache au visage et range la dague de Cyanic avec discrétion, les Cyanic sont rares, Nastel n'a pas besoin de savoir que j'en possède une.

Le groupe finit par fuir, me laissant à nouveau seule avec mes deux compagnons. D'un accord silencieux, nous reprenons notre marche vers la tribu. Nastel semble fatiguée....mais je ne ralenti pas le pas, qu'elle comprenne bien qu'elle bénéficie déjà d'un immense honneur de rentrer sur mes Terres, s'il faut en plus que je m'adapte à son rythme...
Au bout d'un moment, Céleste la fait monter sur son dos...non bien sur que non! C'est elle et elle seule qui choisit d'y monter!
Pourtant à un moment j'ai cru....balivernes!
Céleste interromps le cours de mes pensées tortueuses par un petit aboiement. Si seulement j'arrivais à le comprendre!

-"Il demande si vous allez bien." traduit Nastel.

Sans me retourner je rétorque d'un air bougon:

-Qui est assez sage pour déterminer s'il va bien ou mal?

Nastel ne répond pas, un peu plus tard, je rajoute:

-Etre vivant ce n'est pas forcément être bien. Etre mort ce n'est pas forcément être mal. Bien au contraire. Et puis parfois le bien et le mal se mélange et bien malin est l'Homme qui peut les distinguer.

Nous marchons encore toute la journée, ne nous arrêtant que pour remplir nos gourdes à une rivière. Pour ma part je plonge la tête entière sous l'eau glacée. J'aime les chocs thermiques. Ils me confirment que je suis encore vivante. En redressant mon visage encore dégoulinant d'eau je sens qu'une partie des peintures qui recouvrent ma face s'est effacée. Calmement, je m'assoie à même le sol, et entreprend de les refaire. C'est une étape important et minutieuse, mais qui fait parti intégrante de mon âme. Sans mes peintures, je me sens comme nue. Elle m'accompagne depuis si longtemps maintenant....

Je sors de ma besace différents pots contenant de l'ocre, puis choisi une pierre dans le lit de la rivière. Elle doit être large et surtout bien plate. Je le penche au dessus de la rive en faisant tremper mes cheveux dans l'eau, et scrute le fond avec attention. Lorsque 'ai trouvé ce que je cherche, je la ramène avec délicatesse et la pose sur un linge de cuir. M'en servant comme d'une palette, je créé les nuances propres à mon masque de peinture à partir de celles que je possède, et en y alliant diverses plantes que je mâche pour en faire une sorte de pâte. Une fois cela fait, j'humidifie mes doigts et me les passe sur le visage, en m'aidant de mon reflet dans la rivière.

Lorsque j'ai terminé le soleil s'est couché, le temps passe si vite lorsque je me peins...

Nastel n'a pas bougé, elle doit être vraiment très fatiguée. Je m'approche d'elle et lui dit en regardant la lune se lever:

-Demain nous atteindrons la tribu.

J'adresse une prière chantante et dansante à la Toute-Mère, puis une, plus discrète, à Brise, avant de me laisser aller sur les terres des songes.

Je n'ai pas trop compris sa réponse, et Céleste non plus, même approximativement traduite. Je somnole sur le dos de Céleste quelques minutes puis la route se fait plus calme.

En fin d'après midi, DdV refait ses peintures. C'est une tâche longue et minutieuse. Vu que le soleil commence à se coucher, je cherche à proximité un coin pour dormir. Comme elle semble très concentrée, j'en profite pour préparer quelques parchemins de sortilège, en calligraphie. Quelques uns de lumière vive, d'autres pour de la fumée, un autre contre l'humidité... etc. Elaborer des sortilèges fatigue également, donc je mange puis attends que DdV termine pour aller me coucher. Entre temps, Céleste a dormi à point fermé lorsque je faisais mes sortilèges, le voilà frais et dispo pour que j'ai à mon tour un sommeil sans soucis.

Demain, nous atteindrons la tribu de DdV, il me tarde. Malgré mon excitation naïve, je dors cette nuit-là comme une souche.

Le matin, Céleste m'informe que Nao, mon collègue corbeau, nous a survolé brièvement durant la nuit puis qu'il est reparti. Ce matin, je laisse Céleste ne rien porter, je préfèrerais qu'il soit libre de ses mouvements lorsque nous arriverons à la tribu, en cas de pépins. Je demande à DdV si Céleste peut venir avec moi voir sa tribu, ou s'il devra attendre aux alentours (comme nous faisons souvent lorsque nous arrivons dans une ville).

En milieu de matinée, nous croisons au loin un troupeau de moutons, avec son berger et ses deux chiens de berger. Céleste se serait bien fait un mouton pour le déjeuner, ce que je lui interdis formellement... comme d'habitude. Mais son ventre gargouille. Soit, je propose alors une petite pause pour que mon frère puisse manger un bon repas. Je lui sors un gros jambon entamé. Au moins, il aura de quoi se faire les dents. Céleste est vraiment content, et sa longue queue bat l'air pour nous le signaler. Ca me fait une sacrée place dans le sac dis donc, je me sens plus légère! XD
Vorace comme jamais, le côté sauvage de mon frère prend le dessus lorsqu'il mange de telle portion de viande. Ayant rapidement terminé, nous reprenons la route indiquée par DdV.

Je fixe un long moment Céleste, l'air absent. Avant de répondre à Nastel:

-Oui. Oui il peut nous accompagner.

Avant qu'elle ne proteste je rajoute:

-Les miens ne lui feront aucun mal s'ils le voient avec moi.

J'ai conscience que Nastel sait très bien que rien ni personne ne pourrait faire de mal à son chien, mais je préfère la rassurer, au cas où.

En chemin j'assiste à un repas de Céleste. Quelle énorme quantité de viande! Il semble très heureux et le montre.

Nous reprenons ensuite notre route et en fin d'après-midi, le camp de la tribu est en vue.

Je m'arrête un instant et hume le parfum encore ténu mais déjà puissant des chevaux de mon peuple, celui, capiteux, de l'encens qu'on fait brûler lors des cérémonies et des prières, et celui, presque insaisissable, des lanières de roseau encore humides avec lesquelles nous tressons des paniers, ainsi que du cuir qui constitue nos huttes.

Lorsque nous pénétrons dans le campement, j'explique à Nastel que la tribu change d'emplacement à chaque saison. Comme c'est le printemps, la tribu campe au côté des eaux vives de la rivière, pour y pêcher les coquillages qui viennent de s'accoupler, se qui permet de renouveler l'espèce.

Tandis que nous avançons au milieu des tipis de peau tannée, Nastel prête beaucoup attention aux gens qui nous entourent, ce qui n'est pas mon cas, ayant l'habitude que l'on s'écarte sur mon passage!

Finalement, le chef de la tribu, un homme de très grande taille au teint usé par le soleil, et dont la peau semble aussi vieille qu'un morceaux de cuir malgré son âge, se présente à moi.

-"Je te salue, Danseuse du Vent." dit-il en accompagnant ses paroles d'un grand geste de la main, d'abord vers le ciel, paume tourné vers les nuages, avant de revenir vers son cœur.

Je le salue de même.

-Je te salue Tortue Patiente.
-"As-tu trouvé ce que tu cherchais?"
-Oui, dis-je en caressant la bourse contenant l'onguent du bout des ongles, et voici Nastel la druide de la ville, et son chien, Céleste.
Le chef les salue avec respect. Sans attendre qu'il les autorise à rester, car cette autorisation ne serait qu'une manière officielle d'annoncer ce que j'ai déjà décidé, je me tourne vers une jeune femme que j'ai repérée dans la foule. Plume Pourpre, la fille du chef:

-Où est-il?

Sans un mot, Plume Pourpre me fait signe de la suivre. Je délaisse mes compagnons et l'accompagne jusqu'à un tipi un peu isolé des autres, le tipi aux malades. Ceux que la tribu choisie de mettre en quarantaine.

Plume Pourpre me salue et baisse la tête avec un respect mélé de crainte, puis disparait. Je ne lui ai pas accordé le moindre regard. Désormais une seule chose compte pour moi: soigner si la Toute-Mère le veut bien.

En rentrant dans le tipi l'odeur de la maladie emplit mes poumons, s'immisce dans mon âme. Je respire cette puanteur profondément. Caresse d'Aurore est là, auprès de son fils, l'air terrorisé. Elle lève sur moi un visage couvert de larmes séchées, aux traits tirés.

-"Il n'a rien pu avaler depuis 4 jours!"

J'écarte ma sœur d'un geste rapide et me penche sur le corps de Petit Renard. Son coeur bat encore, mais faiblement. Il était temps que j'arrive.

Ma sœur continue de pleurnicher:

-"Oh, je t'en prie, sauve-le! Il....la fièvre le tient depuis des jours! Il est inconscient...il...."

-La paix, Caresse d'Aurore! hurlé-je.

Elle s'immobilise, apeurée. Je lui lance un regard noir et retourne à mon patient. Après avoir rafraîchi son visage et nettoyé son corps, je sors la fiole d'onguent et applique la pommade sur son torse.
Son torse...un torse d'homme...déjà....

Je ne l'ai pas vu grandir. Quel âge a-t-il maintenant? 17 ans? 18 ans? Je ne le sais même pas. Tandis que je purifie son corps avec des poudres et que je chante des prières, j'entends Caresse d'Aurore sangloter tout doucement dans mon dos. J'ai aussi allumé un petit feu qui, à l'aide des poudres que j'ai jeté en son sein, dégage une étrange fumée bleue.

Tandis que la fumée s'élève vers le ciel par le haut du tipi, je psalmodie des paroles de supplications pour le guérir.

L'opération me prend presque 3h. Quand je cesse enfin, le silence qui s'abat dans la hutte me parait écrasant.

Sans adresser un seul regard à ma sœur, je lui annonce:

-A présent son sort est entre les mains de la Toute-Mère.

Je sors. Dehors, la nuit est tombée. Je respire l'odeur de la nuit, si fraîche, si pure. Si apaisante.

Nous approchons du village, Céleste renifle sans cesse une quantité d'odeurs. Il n'a reconnu que le cuir et les chevaux... une odeur appétissante de chevaux qu'il aurait bien mangé. Comme d'habitude... je le rappelle à l'ordre.
Cela me rassure de savoir que mon frère restera à mes côtés; d'une part, ça lui évitera de faire de bêtises, de l'autre, il sera plus en sécurité.

J'aperçois le campement, une vague de curiosité naïve m'envahit. Il y a bien deux douzaines de tipis! je me demande combien ils sont, en tout. Une cinquantaine?
A la tribu du Sablier (ma tribu natale), la caravane compte entre 100 à 500 personnes, suivant les groupes et clan qui se croise et suivant la saison. Je me rends compte que c'est bien plus petit ici.

Céleste reste derrière moi mais repère instinctivement toutes les sorties en cas de danger... et toutes les proies...
Danseuse du Vent m'explique deux ou trois choses sur l'emplacement du campement que je note dans un coin de ma tête pour pouvoir les écrire plus tard. Nous rentrons enfin dans le campement, les premiers tipis, les premiers habitants. C'est comme s'il y avait écrit un gros "Wouah" au dessus de ma tête. Il n'y a pas d'agressivité aux alentours, ou presque, d'après ce que je lis dans les flux. Par contre, je constate que tous les gens de la tribu n'ont pas une aura aussi chaotique et enflammée que DdV.

Nous arrivons devant le chef du village. Je ne connais pas du tout les coutumes d'ici, DdV ne presque rien appris. Elle me présente avec Céleste... qui n'est pas mon chien mais mon frère... enfin passons. Je baisse la tête à l'égard du chef en marque de respect (en règle générale, peu importe la culture, ce geste est compris de la sorte). Tortue patiente, ainsi que toute la tribu semble vouer un grand respect, voire une certaine crainte à l'égard de DdV. Ne connaissant pas son passé, il m'est difficile d'extrapoler. Seulement, a en juger par les tenues moins chargée de grigri des autres membre de la tribu, j'émets l'hypothèse que soit DdV est une excentrique, soit elle est une sorte de sage médecin... ou les deux peut être.

Le chef de la tribu, une fois DdV partie, m'adresse la parole:

-"Soit la bienvenue étrangère...(devant mon silence respectueux, il reprend:) tu es donc druide... d'où viens tu?"

Je réponds calmement:

-De la tribu du Sablier, du grand désert d'Aspera, je suis marchand en quête de savoir.

Au vu des regards que me lance les gens de la tribu, les étrangers ne doivent pas souvent être invités de la sorte... J'angoisse un tant soit peu... Devant le regard plein de charisme du chef, je reprends plus maladroitement:

-Serait-il possible de demander l'hospitalité dans votre tribu?

Comme pour m'intimider, il ne répond pas tout de suite, puis, sur un ton plus chaleureux:

-Si notre sage t'as amené ici, l'hospitalité t'es offerte.

Ouf pensé-je en mon fort intérieur.

La jeune femme qui avait emmené DdV je ne sais où revient et s'approche de moi; très chaleureuse, son aura tourne dans les tons orangés. Elle pose même sa main sur mon épaule et engage avec un entrain mélé de curiosité:

-Je suis Plume Pourpre, viens avec moi, je vais te faire visiter le village. Danseuse du Vent est partie soigner Petit Renard.

Je lui souris, Céleste sur mes talons. Il commence à s'impatienter de devoir être sage. Nous traversons des tipis. Elle me cède régulièrement des informations sur leur mode de vie; même si je pense que le plus important reste caché. Lorsque des enfants s'approchent de nous, Céleste recule. Il sait que ces petites bêtes là sont des plus fragiles. Mais la curiosité sans faille des petits font que deux d'entre eux se mettent à toucher la queue de Céleste, celui-ci tourne la tête.
L'un des enfants se met à pleurer. Je me trouve au niveau de Céleste et lui demande ce qu'il a fait. Il baisse les oreilles et jure de n'avoir rien fait. Je le crois. La curiosité des enfants amène parfois aux imprudence. Et puis.. Céleste est tout de même imposant. Je m'accroupis devant l'enfant qui pleure, Plume pourpre à mes côtés. Elle lui demande ce qui ne va pas, celui ci se réfugie dans ses jambes. Je me relève, fait un câlin à mon frère puis, devant le public de trois petits enfants, je luis demande de s'assoir, puis de se coucher en sphinx.
Les enfants lâchent un gros: wouah... Ce qui nous fait rire, Plume Pourpre, une mère qui est sortie entre temps et moi. Un des enfant, le plus courageux sans doute, s'approche et demande s'il peut caresser Céleste. Mon frère soupire, il a bien compris qu'il serait la bête de foire pendant un moment. Je guide l'enfant; il caresse le poile épais et doux de l'épaule de Céleste. Mon frère finit par tourner lentement la tête. Le gosse a peur XD mais le courage devant ses camarades l'amène a tendre la main, paume vers le haut. Céleste n'est pas un cheval, mais il apprécie momentanément ce geste de confiance. Il sent la main puis je lui gratte derrière l'oreille, là où il adore puis l'enfant peut lui caresser la truffe. Tout fier, il regarde sa main et retourne auprès de ses camarades, qui la regarde également. L'autre petit a arrêté de pleurer devant se "spectacle".

J'aimerais bien aller voir les chevaux... Mais pour ça, je dois laisser Céleste... Plume Pourpre me propose de passer les voir... c'est tentant. Je me retourne vers Céleste, les enfants le caressent tous ensemble. Céleste est content et reste couché, la tête contre le sol. Il ne sent aucune animosité alors il me dit que tout va bien par une petit aboiement.

Je quitte donc mon frère et vais voir les chevaux, certains sont attachés pour leur toilette, d'autres sont dans de grand enclos. Elle m'informe que les plus apprivoisés se baladent dans le campement. Je grimace et espère qu'ils ne croiseront pas Céleste... maintenant que je peux plus cacher son aura.
On va le poser simplement: j'adore les chevaux. J'en aurais pris volontiers pour compagnon de route... mais entre Céleste et les dangers auxquels nous nous exposons parfois, je n'ai pas encore trouver de cheval qui puisse nous suivre... et qui s'entende avec mon frère et Nao.
Arrivé à la barrière de l'enclot, Un ami de Plume Pourpre siffle les chevaux. Deux sur cinq répondent à l'appel. J'ai des étoiles dans les yeux. Bon... être druide expérimentée m'aide beaucoup, mais je n'ai aucun mal à caresser les chevaux et à me faire accepter. J'évite de leur parler, même si j'en meure d'envie. Je reviendrais ce soir si on me le permet.

L'un des chevaux attaché est blessé en au de son membre antérieur gauche. Deux hommes sont en train de l'examiner. Des mouches, pires ennemies du bétail en liberté, virevolte autour en espérant pouvoir aller pondre dans la plaie.
Je ne compte pas demander l'hospitalité et des provisions sans rien en retour et m'approche des deux hommes avec l'accord de Plume Pourpre. Cette-dernière me présente chaleureusement comme marchand/druide. Je profite de leur moment d'inattention pour demander au cheval comment il s'est fait ça. Etonné, il répond tout de même: une branche épaisse l'a heurté. Je demande si je peux regarder la plaie. Il n'y a pas d'écharde dedans, les deux hommes ont dû déjà la nettoyer.
Ils sortent une crème verdâtre à base d'hamélis et de miel. Parfait pour soigner les plaies de ce genre. Je n'aurais pas proposé mieux. Cet arbre redoute le soleil d'été et aime les doux hivers. Leur floraison en hiver en fait un arbre assez étrange; je n'en n'ai vu que deux fois dans ma vie car ils ne poussent que dans certaines vallées aux climats s'avoisinant aux douces plaines.
Un fois la crème appliquée par l'un des hommes alors que je caresse la tête du cheval inquiet; je propose une de mes potions pour éloigner les mouches de ce soin : un mélange liquide de menthe poivrée et de tanaisie (plante très commune qui fleurit jaune). Je leur apprends les vertus du tanaisie qui éloignent les insectes. Plume Pourpre m'informe qu'il utilise cette plante en infusion pour ses propriétés tonifiantes mais qu'il ne savait pas pour l'insectifuge.

En pleine discussion, quelqu'un vient chercher Plume Pourpre pour une autre affaire. Nous passons alors chercher Céleste puis elle me mène au tipi de DdV. Elle me déconseille de rentrer sans son autorisation mais m'informe que comme c'est elle la sage, et elle qui m'a amenée ici, je devais l'attendre vers son tipi. D'ailleurs, celui ci se trouve à l'écart du campement, en haut d'une petite colline.

J'attends donc DdV à côté de son tipi. Céleste en profite pour courir un peu puis vient dormir contre moi alors que je note des choses dans mon carnet.

Je monte la colline avec raideur, la séance de guérison à laquelle je me suis livrée a affaibli un peu plus chaque cellule de mon corps. Tandis que je me hisse avec difficulté au sommet, j'aperçois Nastel qui m'attend devant mon tipi. Je l'avais presque oubliée...

Sans prendre le temps de la questionner sur son après-midi (parce que je me doute qu'elle n'en a pas profité pour changer la face du monde), je pénètre dans mon tipi. Nastel me suit mais Céleste reste dehors. Je m'assois lourdement au sol et commence à retirer mes bijoux. Mon tipi est l'un des plus vastes de la tribu, en fait il ressemble plus à une grande tente de peau qu'à un tipi classique, étroit et exigu. Il est plutôt bas de plafond, et se divise en plusieurs zones délimitées par de rideaux de perles et de peau. Toutes sortes d'objets le meublent: des étagères remplies à craquer de fioles et de sachets, des bottes d'herbes, des flacons de poudre au parfum suave, des fleurs séchées, des bocaux contenant des insectes ou des plantes aromatiques, des pierres de toutes les couleurs, des cristaux produisant une lumière douce et chaude, quelques bols de bois, et, au centre, un grand feu contenu par des pierres, sur lequel repose un chaudron (la tribu ne maitrise pas le travail du métal, ce chaudron en cuivre m'a été offert lors de mon mariage). Et puis beaucoup de bijoux, de masques de cérémonie, d'amulettes, de parchemins...(là encore la tribu ne connait pas l'écriture, j'ai ramené ces parchemins de la ville, et ai appris à lire et à écrire lors de mon apprentissage de magicienne).
Une fois mon attirail retiré, je reste un moment à contempler les flammes, mes pensées tournées vers le passé.
Je finis par me lever et préparer un ragout de racines et de feuilles pour le diner. Une fois cuit, j'en sers un bol à Nastel et le saupoudre d'herbes séchées et de noix de cajou. Tant pis si elle n'aime pas! Je n'ai rien d'autre à lui proposer! Si je ne prononce pas cette phrase à voix haute, mon visage, lui l'exprime très bien, et Nastel semble le comprendre. Une fois le repas achevé, nous discutons un peu puis je me retire pour la nuit sans un mot. Je ne le précise pas à Nastel mais il me semble évident qu'elle peut dormir ou bon lui semble dans mon tipi. Elle trouvera une couverture parmi celles éparpillée dans un coin. Je tente de m'endormir mais comme d'habitude le sommeil ne vient pas, et comme d'habitude je ne trouverai pas le repos avant de longues heures. Lasse de ce contretemps qui commence à affecter ma santé, je m'assoie sur ma paillasse et ouvre les yeux dans le noir.

Le diner se passe dans le silence, mais je ne perds pas de ma bonne humeur et de mon excitation. DdV a l'air vraiment fatiguée; j'espère que l'onguent à marché, mais n'ose pas demander.

Je me couche sur quelques peaux après être aller dire bonne nuit à Céleste. Seulement... séparé, l'un comme l'autre ne dormons pas très bien. Cependant, il se couche à moins d'un mètre du tipi, du côté où je suis, et la présence de l'un rassure l'autre. Je dors en position fœtus, dos à la toile du grand tipi. au moins ici, il ne fait pas très humide, c'est agréable.
Je somnole donc un moment puis m'endors d'un sommeil léger mais sûr. Je sens à un moment DdV bouger, puis plus rien... me voilà repartie dans les bras de Morphée.

Céleste, lui, ne dort pas vraiment, trop agité par toutes ces odeurs inconnues. Attentif à chaque mouvement, il scrute le village, l'herbe, l'horizon... La sieste de toute à l'heure lui a suffit... et il s'ennuie. Il s'étire, renifle le tipi, se recouche, soupire, baille, somnole, se réveille, scrute les alentours, surveille les animaux nocturnes, écoute les chevaux, s'étire à nouveau... bref, ne dort pas vraiment. Pour autant, il ne viendrait pas à l'esprit de s'éloigner du tipi. Cette antre étrange au mille senteur ne lui inspire pas beaucoup confiance... car il ne sent plus bien mon odeur.

Après une nuit courte, je me lève et sors de ma couche. Le soleil doit être en train de se lever, je le sais car ses rayons me réveillent chaque matin. L'air bougon, je passe devant Nastel encore endormie et pars dans les plaines cueillir des champignons. Cela peut paraître étrange de trouver des champignons dans un lieu quasiment dénué d'arbres, mais pourtant, les champignons que consomme mon peuple éclosent chaque jour au même endroit, véritable don de la Toute-Mère. Leur goût est fort et sauvage, un peu acide, mais très plaisant. Enfin, moi je les trouve bons. J'en ramasse une bonne quinzaine en remerciant à voix basse la Toute-mère puis les ramène dans mon tipi. Ensuite, Nastel s'étant réveillée, je la préviens que j'ai chargé Plume Pourpre de lui apporter son petit déjeuner (qui sera composé de galette à la poudre de noisette et de fruits frais et séchés), avant de m'éclipser. Je lui explique que j'ai besoin, chaque matin, d'un peu de temps pour moi. Elle semble le comprendre et je la laisse donc pour repartir vers les plaines. En chemin je croise Céleste et le salue d'un signe de la tête.

Je trouve un endroit calme, à l'ombre, frais, encore gorgé de rosée, à une demi heure de marche du camp. Toujours le même en fait. J'ai besoin de ce moment à moi. Et ne le céderai en aucun cas contre un moment social. Même mariée je trouvais un instant pour me retrouver avec moi-même....enfin un court instant à l'époque. Durant le trajet jusqu'au lieu d'une part, je réfléchis beaucoup, et ensuite, arrivée là-bas...

Genoux pliés, dos droit, visage levé vers le ciel, je monte lentement mes bras, tel un oiseau.

Et j'inspire.

Et j'expire.

Et j'inspire.

Et j'expire.

Et j'inspire.

Je ferme les yeux.

Je continue d’enchaîner divers mouvements et étirements divers, dont la lenteur n'a d'égal que la grâce, repoussant sans cesse les limites de ma souplesse.

Ce n'est pas seulement un exercice physique. C'est aussi un moyen de se reconnecter avec soi-même, de ne pas se perdre. Je me suis tant de fois perdue....

Au bout d'une heure je m’assoie, récupère mon sac et en sors un gros fruit rose et très juteux. Je croque dedans et laisse son jus me couler sur le visage, le cou, les seins...
Et je ris.

Parce que je suis vivante.

C'est absurde.

Si j'ai bien compris Danseuse du Vent, j'ai quartier libre. Le petit déjeuner est exquis et Plume Pourpre très souriante. Céleste en a même mangé!

Après, je discute beaucoup avec un groupe, apprends à nouveau plein de choses. De plus en plus curieux, certains me mettent dans l'embarras à vouloir toucher mes vêtements, mon chapeau... J'ai même le droit à une remarque du style: "ils sont tous petits également les gens de ta tribu" ce qui m'a fait bisqué. Une fille, plus jeune que moi, me demande même si je ne suis pas trop jeune pour partir faire du commerce.

Enfin bon... je demande alors à Plume Pourpre s'il n'y aurait pas un cours d'eau où je pourrais me laver (en plus, il fait beau soleil aujourd'hui). Elle me dit que si je veux, il reste de l'eau dans les grandes futs en terre, chauffées par le soleil. L'eau y reste plus ou moins saine à l'aide de plantes infusées dedans. Je lui propose alors une façon de faire du savon facilement, mais surtout durablement. Elle apprécie la recette et la note dans un coin de sa mémoire. Je constate alors que les gens de la tribu n'écrivent pas... enfin, je ne les ai jamais vu écrire. On m'apprend alors que seuls certains adultes et les sages apprennent l'écriture.

Arrivée aux futs, je me déssape et me lave tranquillement, puis, dans un de mes grands bols en terre, je fais ma lessive. Je ne me sens pas du tout pudique au sein de cette tribu, si bien qu'une dame est venue me donner des conseils pour faire séchée le linge rapidement et m'a demandé ce que j'utiliser pour laver ma tenue. Elle me conseille de ne pas garder ces habits qui me donnent selon elle, un air d'ailleurs, même différent des bergers qu'ils leur arrivent de croiser. J'apprécie de conseil et garde l'idée de m'acheter de nouveaux vêtements à la prochaine ville pour faire plus 'local'.

Cette dame s'appelle Fleur sifflante, son nom lui vient des chansons qu'elle chante durant les jours de fête; elle m'avoue qu'elle s'appelait Brin fleuri quand elle était petite. Je l'écoute calmement, le temps que mes vêtements sèchent. Alors que me vient la chaire de poule, à cause de mes cheveux mouillés, elle me prête une robe de peau en attendant. Je la remercie beaucoup.

Lorsque je vois réapparaitre Céleste, il a des couleurs sur le poil, par endroit, comme de la craie et une plume accroché sur le cou. Il court se cacher derrière moi et met les pattes sur sa tête. Il se plaint qu'il n'aime pas les enfants... alors qu'il a la queue qui frappe l'herbe comme un toutou qui joue. Les enfants le poursuivent, alors Céleste repart, sans jamais trop s'éloigner, comme pour vérifier que les enfants le suivent bien. J'éclate de rire à la scène.

Prochaine objectif, une fois mes vêtements secs, la pêche aux infos. Remarque, je peux toujours commencer avec Fleur Sifflante. Je lui demande si elle connait les arbustes des alentours et s'il n'y aurait pas des légendes les entourant...